
Lettre ouverte au Ministre Jean-Jacques Nyenimigabo
Monsieur le Ministre,
L’honneur m’échoit de m’adresser à votre autorité pour dresser le bilan peu flatteur du football burundais au cours de l’année 2011.
Les Hirondelles du Burundi ont livré en tout et pour tout douze rencontres internationales de haute gamme. Dont trois victoires, quatre matchs nuls et cinq défaites. Aucun match amical international ! Pas fameux !
Concernant les éliminatoires de la CAN 2012 prévue prochainement au Gabon et en Guinée Equatoriale, le Burundi est sorti avant-dernier du groupe 8 avec 5 points sur 18 derrière le Rwanda qui a eu 6 points sur 18 et la Côte d’Ivoire (1ère du groupe avec 18 points sur 18). Le Bénin, lanterne rouge, ferme la marche avec 5 points sur 18, mais vient derrière le Burundi suite au goal average.
Durant cette campagne comprenant six matchs pour chaque pays, les Hirondelles n’ont gagné qu’une seule rencontre (face au Rwanda à Bujumbura). Et ont fait deux matchs nuls face au Bénin (matchs aller et retour). Sans oublier trois défaites dont deux face à la Côte d’Ivoire (matchs aller et retour) et une face au Rwanda à Kigali. Cette faible performance de notre pays est synonyme d’élimination pour la compétition la plus prestigieuse du continent africain, à savoir la Coupe d’Afrique des Nations.
Ici chez nous, les amateurs du ballon rond ont pavoisé en apprenant que le Lesotho allait croiser le fer avec le Burundi au tour préliminaire des éliminatoires du Mondial 2014 prévu au Brésil. Et pour cause, d’aucuns voyaient mal comment un pays venant derrière le Burundi au classement FIFA pouvait mettre en déroute nos chères Hirondelles. C’était aller vite en besogne !
Cette élimination couvrant de souillure toute une nation a fait couler beaucoup d’encre et de salive dans l’opinion sportive. Car, bien qu’ayant perdu la manche aller, le Burundi pouvait raisonnablement espérer une large victoire à domicile. Mais dans quelles conditions Silvouplaît ? La délégation du Lesotho est arrivée à Bujumbura le samedi 12/11/2011 pour jouer le mardi 15/11/2011. Alors que nos joueurs ont regagné le pays en ordre dispersé : un à un, deux à deux, trois à trois, etc.
Le summum de la flétrissure a été atteint quand on a appris qu’une grande partie des joueurs burundais est arrivée à Bujumbura le mardi 15/11/2011. Soit le jour du match, à 2 heures du matin !!! Sous d’autres cieux, des têtes tombent quand une telle monstruosité est orchestrée. Hélas, au Burundi, tout est permis ! Même les actes antinationaux !
Le bât blesse quand on sait que pareille gaffe arrive souvent à cause de certains travailleurs prestant au sein de votre maroquin. Ces derniers s’arrangent pour éviter les vols rapides et directs. Histoire de chercher à gagner indûment une commission malheureuse et dégradante sur les prix des billets dans certaines agences de voyage se trouvant à Bujumbura. Pour réussir ces opérations malsaines, les vols multiples via des escales à n’en pas finir font l’affaire de ces commissionnaires. Hélas, ces escales terrassent physiquement nos joueurs qui, sur terrain, sont éreintés ! Et l’on veut des résultats dans d’aussi mauvaises conditions !
L’opinion, ahurie, n’y va pas avec le dos de la cuillère pour dire que ces commissionnaires agissent en toute impunité sous l’œil débonnaire de leur ministre. Imaginez-vous ! C’est gravissime ! De grâce, prouvez-nous le contraire pour ne pas tomber bien bas dans l’estime des gens.
Face au Lesotho, ce qui devait arriver est arrivé : un match nul (2-2) synonyme d’élimination ! Quoi de plus normal que de perdre un match aussi important quand toutes les chances de gagner sont mises du côté de l’adversaire ? Patriotisme au rancart !
Qui plus est, la seule nation en Afrique ayant été éliminée par une nation classée derrière elle à la FIFA s’appelle le Burundi. De manière analogue, le Burundi est le seul pays de la zone CECAFA ayant été éliminé par un pays classé derrière lui selon les statistiques de la FIFA. Excellence dans la médiocrité devenue une particularité burundaise. Voilà qui touche le tréfonds du cœur !
Parlant des clubs, Vital’O et Inter Star n’ont pas dépassé le cap des préliminaires en coupes africaines (Ligue des Champions et Coupe de la CAF). Comme d’habitude !!! Pas moyen d’aller plus loin depuis un bon bout de temps. Les mauves et blancs ont été sortis par Coton Sport de Garoua (Cameroun). Alors que les noirs et blancs ont été stoppés net par Missile FC du Gabon. Le tour préliminaire est devenu un goulot d’étranglement pour nos clubs. Véritable cauchemar ! En collaboration avec la Fédération et les présidents des clubs, que prévoyez-vous pour venir à bout de ce casse-tête ?
Lors de la Coupe Kagame Cup 2011 tenue en Tanzanie, Vital’O FC (notre représentant) a été éliminé en quart de finale devant Saint George d’Ethiopie (0-2). En phase de poules, les mauves et blancs ont eu 6 points sur 9 (victoire devant Etincelle du Rwanda par 3-1, défaite face à Redsea de l’Erythrée par 0-1 et victoire devant Ocean View du Zanzibar par 1-0. Vital’O FC n’a pas démérité, mais a croisé le fer avec des clubs beaucoup plus nantis. Or, le football moderne demande des moyens. Sans ces derniers, les résultats escomptés ne peuvent pas être bons.
Récemment, lors du tournoi de la senior CECAFA Challenge Cup 2011 en Tanzanie, les Hirondelles sont arrivées en quart de finale. Et se sont, hélas, inclinées devant le Soudan (0-2) venu anéantir les espoirs de tout un peuple. Pourtant, en phase de poules, notre pays est parvenu à arracher la première place de son groupe devant l’Ouganda (vainqueur de la dite compétition), le Zanzibar et la Somalie. Victoire face à l’Ouganda (1-0), nul concédé devant le Zanzibar (0-0) et large victoire face à la modeste Somalie (4-1). En 4 rencontres livrées, les Hirondelles en ont remporté deux. Et ont fait un match nul et perdu une rencontre.
Conformément aux statistiques les plus récentes de la FIFA publiées le 21/12/2011, le Burundi occupe la 140ème position sur 210 pays affiliés à l’instance faîtière du football mondial. Sur le plan africain (CAF), soit 53 pays, notre patrie occupe la 39ème position. Sur les 11 membres de la CECAFA, notre cher Burundi occupe la pitoyable 7ème place. Est-ce une source de fierté ? Ces statistiques prouvent une fois de plus la santé égrotante du football burundais. Elles parlent d’elles-mêmes. Il y a péril en la demeure ! Voilà un bilan qui s’apparente à un roman de série noire. Qui va sauver le sport-roi dans ce pays ?
Je serais intellectuellement malhonnête de jeter tout le tort sur le Ministère dont vous avez la charge. La Fédération, sous la houlette de Madame Lydia Nsekera, ne fait pas montre d’une gestion saine et transparente. Gestion administrative, technique et financière lamentable ! Ce qui a des répercussions négatives sur le niveau des clubs en général et du football en particulier. Indéniablement !
Sur recommandation des pouvoirs publics, la Fédération Rwandaise de Football Association (FERWAFA) a opéré des changements au sein de sa direction. L’ancienne équipe a brillé par une série de contre-performances. Et a dû partir : démission du président et de son secrétaire général. A la grande satisfaction de l’opinion sportive. La nouvelle équipe s’attèle à faire du bon travail et les premiers résultats sont là. Ce n’est pas par hasard que les Guêpes sont arrivées en finale de la senior CECAFA Challenge Cup 2011. Avec un entraîneur serbe hyper compétent. Voilà qui promet des lendemains qui chantent pour notre voisin du nord. Pourquoi ne pas suivre ce bel exemple ?
Chez nous, l’opinion cloue au pilori le Gouvernement via votre Ministère pour cette atonie coupable plusieurs fois décriée ! Pas la moindre réaction de votre part face à la mauvaise gestion de Madame Lydia Nsekera ! Pourquoi ?
Vous êtes prié de travailler en synergie avec le Ministère de l’Intérieur et celui des Finances pour exiger la tenue d’un audit externe à l’endroit de toutes les associations sportives œuvrant sur le territoire national. Un rapport émanant de l’Inspection Générale des Finances s’impose pour pointer du doigt les associations qui dilapident les fonds destinés à épanouir la jeunesse de ce pays. Cela rentre bel et bien dans vos prérogatives. Et permettrait de mettre un terme au désordre prévalant dans certaines associations.
Même la Loi sur le Sponsoring tant attendue tarde à voir le jour. Pourquoi ? Le sport burundais ne fera aucune avancée tant que les clubs creuseront dans leurs maigres ressources pour subvenir à leurs multiples besoins. Par les temps qui courent, cette méthode est préjudiciable au rayonnement du sport sur la scène internationale. Voilà, entre autres, pourquoi nous marchons à reculons quand les autres avancent. Nos équipes seront toujours « désarçonnées » des grandes compétitions tant que ce problème ne sera pas résolu !
Sur ce, je vous prie d’accepter, Monsieur le Ministre, l’assurance de mes sentiments les plus cordiaux et sportifs pour entamer l’an 2012 avec optimisme et sérénité.
Patrick Sota